Il est possible de cliquer sur les diaporamas ainsi que sur les tableaux dans les galeries pour les voir en pleine page.
Depuis toujours, ta peinture laissait voir les deux aspects de ta personnalité : ce que, une fois, tu as nommé : «le bonheur d'être peintre, et le malheur d'être homme »…
Certes, peindre la beauté des choses - mais parallèlement, peindre les drames de la vie humaine ; paysans pauvres, mendiants, chômeurs -, attendaient depuis longtemps dans tes carnets de dessins que ta peinture puisse exprimer leur détresse.
Quels que soient les préoccupations et les soucis de la vie, les problèmes politiques étaient l'avant-scène de la vie, et manifestations, pétitions, collectes, tracts, discussions, lectures, affichages, n'étaient pour toi – et beaucoup d’autres – pas un devoir mais une nécessité, une évidence.
« La plus longue période de paix de l'histoire » ainsi que furent nommées les 50 années suivirent la deuxième guerre mondiale, se poursuivait au milieu des hécatombes… un peu plus loin que l'Europe…
C'est cela qui t’a conduit à renouer avec la grande tradition française de la peinture d'histoire, depuis « l’otage au Liban » 1985, jusqu’à « l’ogre » 2002.
Il n'y a pas, contrairement à 1969, de rupture dans la manière de peindre, simplement un approfondissement des moyens à utiliser pour que, indépendamment du sujet traité, la violence de la société s’impose à travers la peinture.
Le retour définitif en 1989 dans le Lot, près de Figeac, avec l'installation d'un véritable atelier, a permis la réalisation de tableaux de grand format .La chronologie de leur réalisation suit la répétition des drames, des guerres, des injustices, famines, prisons…
Toujours un travail préalable précisait les lignes de force structurant la toile ; des dessins et des tableaux individualisaient les personnages : position, caractère.
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Dessins préalables Tableau préalable

Tableaux définitifs
Le musée d’histoire contemporaine, qui est provisoirement abrité dans l’Hôtel des Invalides à Paris recueille les témoignges, affiches, tracts… et dans la mesure du possible les dessins ou tableaux que des artistes contemporains auraient pu réaliser en accord avec le but de la collection.
Dans cet esprit ils ont accueilli un certain nombre de tableaux d’Alex Fischman.
Parmi eux, citons : La construction de la pyramide du Louvre, le triptyque sur la finance et ses conséquences.
Plus tard deux grandes expositions, la première à Castres au musée Jean Jaurès en 1997 « Du clair à l’obscur, un certain regard » ; la deuxième à Brive la Gaillarde en mars 2000 au musée Labenche, musée d’art et d’histoire ; il nous reste plusieurs textes lus au cours des vernissages.
Le premier texte est extrait d’un entretien d’Alex avec un journaliste.
« Après la folie du nazisme, le choc des événements de Sabra et Chatila a été brutal ; je devais exprimer l'insupportable, l'exorciser, je suis peintre, c'est par la peinture qu'il fallait le faire. Chacune des quatre toiles qui composent cet ensemble sont comme un épisode, des morceaux épars. Le tragique de cet épisode historique, je le place avec le personnage central, cette femme gisante, femme tuée, femme enceinte, qui représente le sens de la vie. Par la composition en diagonale qui ramène tout vers cette femme, je tends à fixer le regard sur cette partie essentielle. Car c'est le sens de la vie qu'on a tué à Sabra et Chatila ».
Alain Le Blanc dans sa critique de la Dépêche du 17 sept. 90 écrit : « Terrible et poignant inventaire, accentué par l’absence de toutes couleurs au seul profit de l'expressionnisme quasi goyesque du noir et blanc… »
Lors de l'exposition à Castres, au musée Jean Jaurès, le directeur Alain Boscus disait : « En parcourant l'exposition le visiteur sera plongé dans les événements connus, plus ou moins restés en mémoire, et toujours, Il sera frappé par le regard et la sensibilité de l’artiste ; avec un style figuratif d'une grande modernité et une palette de couleurs d'une richesse extraordinaire, il peint l’actualité en sauvant de l’éphémére et de l'oubli qui a le plus de sens, pour mieux signaler à l'humanité le chemin qu'il reste à parcourir pour être véritablement humaine ; il met en valeur avec un réel talent, ce pessimisme de l'intelligence et cet optimisme de la volonté dont l'unité caractérise le mieux l'œuvre et les actes des plus grands penseurs…».
Il y eut deux accrochages des mêmes tableaux, d'abord au lycée polyvalent de Villefranche-de-Rouergue, puis au lycée Champollion de Figeac ; de jeunes élèves on inscrit leur réaction : on y retrouve le choc devant ces réalités, l'étonnement devant le paradoxe des couleurs « gaies » relatant des événements tragiques, « vision d'un monde éclaté, aussi coupant et brisé qu'une vitre cassée », « les couleurs de la vie et l’idée de la mort »… et souvent un remerciement d'avoir pu voir ces tableaux dans leur établissement scolaire.
Madame Moser, conservateur du musée de Brive-la-Gaillarde présenta ainsi l’exposition :
« Evoquons la forme : l’oeuvre est portée par une ossature de lignes de force créant des plans de failles et des clivages, qui représentent autant de fractures sociales, autant de hiatus humains que le peintre veut exprimer et impressionner sur les toiles. Les aplats de couleurs se combinent en des effets de contraste ou d’harmonie, utilisant les bleus, violets, noirs, rouges, jaunes, bleu-verts, pour mieux traduire les ténèbres et la lumière ressentis sur le plan psychique. À la fois, l'artiste nous entraîne dans un monde qui le blesse, tout en laissant apparaître, par la fraîcheur et l'aspect vif de certains tons, la perspective d'un bonheur pour les générations suivantes.
Examinons maintenant le fond : le propos dominant de cette exposition est l'œuvre d’un peintre dans l'Histoire ; un être cherche à transmettre un désarroi existentiel, il est peintre, il peint ; il n'en tirera aucun bénéfice autre que la liberté de pouvoir et de savoir l'exprimer. Pourquoi traite t-il ces sujets ? Pourquoi fait-il naître ces grandes toiles ? Pour lui, s'exprimer de la sorte est naturel : est ce que l’on demande pourquoi l’on vit ? »…
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Il est impossible à quiconque de ne pas chercher quelques motifs de consolation… pour Alex, c'était le bonheur qu’offre la nature qui entourait la maison, l'imprégnation dans la vie quotidienne, les saisons, les champs et les travers transformés par la lumière des heures, la paix diffuse, l'harmonie : simplement peindre, magnifier la couleur, quintessence de la peinture…
Quelques tableaux :
Nous approchons de la fin…
En 2002 tu as terminé, deux grands tableaux : « l'ogre » et « le bon samaritain », en promettant que ce serait les derniers, et que tu oublierais les ombres, le côté obscur, pour te consacrer à la lumière, au bonheur que nous partagions.
L'OGRE ET BON SAMARITAIN
Mais les dessins que tu exécutais, que j'ai appelés «les hallucinés » tant ils me faisaient penser à ce que l'on peut voir en visitant la «Maison du sourd » de Goya…
LES QUATRE HALLUCINES
ils contredisaient ta volonté exprimée d’être heureux, ils semblaient voir « autre chose, ailleurs… ».
Et peut-être, toi aussi inconsciemment, tu partais vers un « ailleurs »…
Que dire de ton dernier dessin ?… cet homme debout, chancelant, soutenant sa tête avec sa main… toi, deux jours plus tard…
J'ai appelé ce dernier dessin : « L’homme foudroyé »…
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Alex Fischman, l'homme de deux passions : la peinture, et la justice.
Il disait de lui : « je vis le bonheur d'être peintre, et le malheur d’être homme ».
Pour qui l’a accompagné au long de sa vie, il semble que seul ce bonheur de la peinture lui a permis de supporter le malheur d’être homme ; c'est lorsqu'il franchissait la porte des musées ou des expositions, ou celle de son atelier, qu'il pouvait, momentanément, faire taire la douleur et la colère qui l’envahissaient face à la violence de l'oppression accablant les faibles.
Alex : sombre au profond de lui, mais rayonnant dans l'éclat de la couleur, qui à elle seule peut tout dire, formes, émotions, significations ; par elle il a exprimé ce qu'il savait de lui, de son entourage, de la vie des autres, de l'histoire du monde.
Regarder ses tableaux et ses dessins en apprend bien plus que tous les discours possibles… Il disait que la peinture n'a pas besoin que l'on parle d’Elle, Elle a son propre langage, à nous de savoir l'entendre.
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